Les Effie France ont 30 ans cette année. Première série d’articles de notre rétrospective, avec les études de cas des Grands Prix 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998
Lundi 4 décembre au Théâtre du Rond Point à Paris, se tiendra la 30e édition des Effie
France, créés en 1994. Quelle campagne succèdera à «New is Old» de Back Market et Marcel, lauréats du Grand Prix 2022 ? Pour vous faire patienter, CB News vous propose une rétrospective des 29
premières éditions à travers les études de cas des Grands Prix.
1994 : Omo, les singes, un langage imaginaire… et le risque a payé
Campagne «Omo est là et crapoto basta» de Lever Fabergé avec Lintas
A la fin des années 80, Omo, leader historique du marché de la lessive, n’est plus qu’une vieille marque oubliée représentant à peine 6 % du marché. En 1990, Lever et Lintas décident de mettre à l’antenne un couple de singes parlant un langage bien étrange, le « poldomoldave », pour vanter les vertus de leur lessive.
Les partis pris stratégique étaient de casser les codes publicitaires du marché pour créer l’impact et susciter l’agrément, de tenir un discours simple et chaleureux en revenant à la promesse centrale d’efficacité avec le claim qui a fait le succès de la marque: «Omo est là, la saleté s’en va!». En poldomoldave, celui-ci devient «Omo est là et crapoto basta !». Les singes ont été choisis car ils sont assez proches de l’homme pour permettre la projection, mais assez éloignés pour éviter l’identification. Le couple singe-poldomoldave fait un carton auprès des téléspectateurs et des passants. Il devient une saga et un véritable phénomène culturel. Originalité, humour, complicité avec le consommateur permettent de faire passer un message de fond extrêmement sérieux, qui sinon serait très ennuyeux.
Fin 1993, les résultats parlent d’eux-mêmes:
– une progression des ventes de +25% de 1990 à 1993, le plus fort taux de progression du marché… sans aucune autre variable explicative que celle de la publicité ;
– un ROI trois fois supérieur à celui du leader Ariel ;
– une très forte progression de la notoriété d’Omo (+17 pts de notoriété spontanée) et un important rajeunissement de la cible acheteuse.
1995 : Peugeot 806, le onospace que les enfants conseillent à leurs parents
Campagne «806, les enfants la conseillent à leurs parents» de Peugeot avec BETC Euro RSCG
Fin 1994, le lancement de la 806 marque l’entrée de Peugeot sur le segment des monospaces, largement dominé par Renault Espace (75% de PDM en 1993).
Pour de nombreux conducteurs, le passage au monospace implique une renonciation au plaisir de conduire. La promesse de la 806 est d’allier ce plaisir aux besoins liés à une utilisation familiale de ce type de véhicule (volume, habitabilité, modularité, facilité d’accès, confort…). Confort à l’avant et à l’arrière, la 806 est « la voiture idéale pour la famille ». Démontrer cette promesse et installer la notoriété du nouveau produit étaient les objectifs de la campagne.
Pour faire entrer la 806 dans la liste des choix possibles de la clientèle potentielle monospace, Peugeot a souhaité travailler particulièrement la cible prescriptrice sur ce type de voiture : les enfants. La création publicitaire a misé sur une inversion : les enfants sont adultes et se soucient du plaisir des parents. Pour cela, ils ne reculent devant rien pour les amener à choisir la 806. Les médias télévision et affichage ont été choisis pour marquer l’événement auprès du grand public et impliquer simultanément parents et enfants.
Résultats :
– Les post-tests ont montré qu’elle a fortement séduit le public, installé un territoire de communication riche et une bonne compréhension du produit.
– Après 6 mois d’existence, la 806 est déjà le premier monospace vendu en France sur la base de motorisation essence.
– La 806 est le monospace le plus cité en termes de présence publicitaire à l’esprit loin devant l’Espace et l’Évasion.
1996 : Évian, aussi importante que l’air qu’on respire
Campagne «L’eau et l’air» d’Évian avec BETC Euro RSCG
Dans le marché de l’eau embouteillée en mutation, où les eaux de source bénéficient de l’imaginaire fort de la source et d’un prix trois fois inférieur, le leader Évian a du mal à justifier sa différence, donc son prix. Sa part de marché s’érode régulièrement depuis 1987 au profit des petites marques moins chères. Une nouvelle campagne démarre en novembre 1994, avec un objectif clair : Évian doit redevenir l’eau au-dessus de toutes les eaux.
Pour ce faire, la marque veut : redonner de l’importance au choix de son eau en redisant combien l’eau est essentielle ; redonner des raisons de croire à la supériorité, la qualité et l’unicité d’Évian ; revenir aux racines de la marque (« l’eau la plus pure, la plus parfaite, la plus mythique et en même temps l’eau de tous et de tous les jours ») ; parler à la raison mais aussi au cœur.
La campagne s’articule autour du concept « L’eau que vous buvez est aussi importante que l’air que vous respirez » et adopte une architecture plurimédia (TV, presse, radio).
Les résultats d’image montrent que la marque reprend du sens, justifie sa différence et acquiert un statut d’eau essentielle. Côté business, Évian renoue avec la croissance pour la première fois depuis 8 ans en gagnant 2 points de PDM volume (juillet 1996 vs février 1995). Et c’est la seule grande marque d’eau minérale du marché qui progresse.
1997 : Comment la bière Hoegaarden s’est fait un nom
Campagne «Hoegaarden» d’Interbrew avec Callegari Berville
Après le succès de sa marque Leffe sur le segment des bières spéciales, Interbrew cherche, en 1996, à innover et imposer une nouvelle marque dans les magasins et sur le circuit Cafés/ Hôtels/ Restaurants (CHR). Il s’agit de Hoegaarden, bière blanche au nom quasi imprononçable et à l’aspect trouble peu engageant. Dans un marché de la bière déjà saturé, Hoegaarden ambitionne notamment de devenir la marque incontournable de bière blanche.
L’agence développe une campagne d’affichage spectaculaire dans le métro, les abribus ou sur les culs de bus, destinée à un public jeune. Le ton est tout de suite donné : consciente de ses handicaps, la marque renverse la situation et transforme ses faiblesses (nom difficile, couleur blanche et aspect voilé) en atouts incontestables. L’originalité et l’humour complice scellent le succès de la campagne.
Et les résultats sont à la hauteur des espérances. Entre 1995 et 1996, les ventes d’Hoegaarden en GMS augmentent de 40% alors que le segment des bières spéciales ne progresse que de 4,9%. Sur le circuit CHR, le volume s’accroît de 25%.
Par ailleurs, Hoegaarden voit sa notoriété multipliée par quatre en un an (12% en 1995, 45% en 1996), et l’impact publicitaire s’avère très supérieur aux standards en termes de reconnaissance et d’attribution.
1998 : Le TGV Paris-Lille contre le stress automobile
Campagne «L’anti-stress» de la SNCF avec BDDP
En mai 1993, la ligne TGV Paris-Lille est ouverte, faisant passer le trajet ferroviaire de 2h45 à 60 minutes. Quelques années plus tard, en 1997, ce sont 40 % des personnes se déplaçant entre Paris et Lille (et inversement) qui montent dans les wagons. Mais ce taux n’arrive plus à décoller. Les autres voyageurs continuent de choisir l’automobile pour avaler les 250 km de distance. En janvier 1998, la SNCF se lance dans une grande opération de séduction, en développant et améliorant son offre produit TGV Paris-Lille: renforcement de la desserte (24 allers-retours quotidiens au lieu de 18), cadencement des horaires, simplification de la grille de prix, service d’échange rapide des réservations, etc.
En plein hiver, une campagne print (affichage, presse quotidienne) – tout en symboles – montre une petite voiture entourée de boules de bowling, ou transformée en palet de hockey sur glace, ou encore recouverte d’un drap blanc. Elle s’appuie sur trois chiffres : 14 000 camions par jour, 81 jours de brouillard, et 58 jours de verglas par an. Sa signature: «TGV Lille-Paris, l’anti-stress». Clin d’oeil supplémentaire, 15 culs-de-camion, circulant sur l’autoroute Paris-Lille, ont été habillés aux couleurs du nouveau TGV, avec cette accroche: « Proverbe : rien ne sert de doubler, il faut partir en TGV ».
Parmi les autres leviers de la campagne figuraient: une mini-fiche horaires en format carte de crédit, envoyée par courrier aux clientèles loisirs et affaires ; des affichages en gare et des spots radio aux messages accrocheurs («À combien estimez-vous votre sécurité?», «Plus besoin de prendre de risques pour partir quand on veut », « 24 raisons de ne pas prendre de risques»).
Résultats : une campagne vue et appréciée, qui a convaincu. fin août 1998, le nombre de voyageurs accueillis sur les TGV Paris-Lille s’est accru de +19%. Et la ligne a affiché un CA en progression de +14% en cumul annuel.
Emmanuel Charonnat
A partir d’extraits du livre de Luc Basier
«Oui, la communication est efficace»
(éditions Kawa)
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Emmanuel Charonnat
A partir d’extraits du livre de Luc Basier «Oui, la communication est efficace» (éditions Kawa) et des synthèses écrites par Luc Basier (1994-1997) et Emmanuelle Fradet (1998).
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