L’appel à candidature pour la 30e édition des Prix Effie vient d’être lancé. Retour sur les 29 premiers grands prix qui illustrent bien les évolutions de la communication et la transformation de la société.

Créé aux Etats-Unis en 1968, le Prix Effie a été importé en France en 1993 par Christian Blachas, fondateur de CB News, qui a très vite convaincu les deux grandes associations du marché, l’AACC et l’Union des Annonceurs – aujourd’hui Union des marques – de l’intérêt à récompenser les campagnes les plus efficaces de l’année.

«C’est formidable de claironner tous les ans l’efficacité des campagnes », soutient Didier Truchot, Président du Conseil d’administration d’Ipsos (photo ci-contre). «Etablir des palmarès et forcer les agences et les entreprises à réfléchir à ce qu’elles ont fait d’efficace pendant l’année et le présenter, tout cela est bénéfique pour elles et pour le secteur», poursuit celui qui a présidé les jurys Effie de 1998 à 2017.

Omo est là et crapoto basta
C’est en 1994 que le premier palmarès a été décerné en France et ça a commencé fort. Le groupe Lever Fabergé et son agence Lintas ont été les premiers à recevoir le Grand Prix avec la campagne iconique «Omo est là et crapoto basta». Un couple de singes vante les vertus de leur lessive, en parlant un langage bien étrange… mais validé par des pré-tests ! En transgressant les règles d’or de la communication lessivière, Omo voit décoller ses ventes, plus vite que toutes ses concurrentes, sans aucune autre variable explicative que celle de la pub, comme l’écrira Luc Basier deux décennies plus tard dans son livre «Oui, la communication est efficace# – 20 ans d’expérience Effie» (éditions Kawa, 2013). La campagne d’Omo n’aura rien à envier à tous les Grands Prix qui lui succèderont. Elle obtiendra d’ailleurs le grand prix de la décennie 1994-2003.
«Ce que j’ai trouvé très intéressant dans l’analyse des Prix Effie, c’est qu’il n’y a pas une manière d’être efficace. Tu peux avoir une problématique de la communication très «behaviouriste». Tu peux considérer que tu vas construire une relation avec les gens. Du moment que tu es cohérent et que tu as une logique, tu peux arriver à être efficace par plein de moyens différents», nous raconte aujourd’hui le planneur stratégique.

Un cahier de tendances com’ et sociétal
Les Effie sont une représentation assez juste des évolutions de la communication et de la transformation de la société. La montée en puissance d’Internet et du digital se lit dans le palmarès. C’est « à cause d’Internet » que les Pages Jaunes obtiennent leur grand prix en 2002. Le vainqueur de 2005 vante l’accélération des débits (Cégétel, «La vitesse vous manque?»). L’année suivante, le grand prix du service «118 218» illustre la privatisation des renseignements téléphoniques et la fin de la place que France Telecom y tenait.
En 2008, la campagne Wilkinson est le premier grand prix à avoir mis le digital au cœur de l’idée stratégique, à la fois en termes de création et de médias. Un jeu en ligne, un film publicitaire d’abord diffusé sur Internet, le défi du bébé 3D au spectateur («Fight for kisses!») et le rasoir quatre lames devient le numéro un du marché.

Internet s’affirme comme un média publicitaire de masse en 2010, quand la campagne «Roller Babies» d’Evian – seule marque à avoir obtenu deux fois le Grand Prix Effie France  –  sollicite les internautes, obtient plus de 45 millions de vues et prend une dimension internationale. «Cette campagne a démontré que faire de ta communication un phénomène de société la rend efficace» souligne Luc Basier. Avec l’apparition des teasers, la communication devient le sujet de la communication et les agences accordent davantage d’importance à l’orchestration de la montée en puissance de la publicité.
En 2016, Meetic est le premier pure player à recevoir le Grand Prix, Back Market suivra en 2022. Le premier symbolise le succès des applis de dating, qui deviendront la première façon de se rencontrer ; le second les marchés de l’occasion et du reconditionnement.
Entre les deux, la campagne de Bouygues Telecom («Noël oubliable», grand prix 2019) avait retracé l’évolution des outils technologiques au travers des âges, jusqu’au smartphone qui réunit toutes les générations. Emotion, émotions. L’année précédente, c’est carrément l’amour qui a réussi à se conjuguer avec la RSE d’Intermarché («Aider les Français à manger un peu mieux tous les jours») pour casser les codes marketing de la grande distribution (grand prix 2018). Une campagne qui remportera aussi le premier Prix Or récompensant l’Efficacité dans la durée, nouvelle catégorie créée en 2021.
Le redressement de la marque Jennyfer (grand prix 2020) symbolise les difficultés des enseignes de mode, et le grand prix de Burger King (2021) nous rappellera toujours le grand confinement du printemps 2020.
Le palmarès des 29 premiers grands prix compte aussi trois grandes causes: deux campagnes de santé publique (signées INPES à l’époque), l’une contre le tabac (2003) et l’autre pour informer les ados sur leur sexualité (2013); le lancement du numéro d’urgence 3919 pour dénoncer les violences conjugales (2007). Bien avant Me Too.

Un process de plus en plus encadré
Si le niveau d’exigence du jury a toujours été la marque de fabrique des Prix Effie – celui-ci ne décernant des Prix Or qu’aux campagnes remplissant toutes les conditions – le processus de sélection des campagnes primées s’est sophistiqué au fur et à mesure des années.
Fin juin, un premier jury expert présélectionne une quarantaine de campagnes parmi les 80 à 100 dossiers de candidatures reçus. Le jury final se réunit ensuite en septembre, après un été laborieux, pour départager les campagnes par catégorie (Prix Or, Argent, Bronze) puis pour désigner le Grand Prix parmi les «Or». Depuis quelques années, ce dernier vote se fait à bulletin secret pour atténuer le risque d’influence et maintenir un certain suspense jusqu’à la cérémonie de fin d’année.
Une nouveauté de taille a été introduite en 2018: l’introduction du formatage très encadré des dossiers de candidature. «Les années précédentes, la présentation des candidats était assez libre dans sa forme et devait surtout respecter quatre parties (contexte, objectifs, stratégie, résultats). Désormais, nous balisons davantage la présentation des dossiers. A chaque étape, nous détaillons ce que nous attendons du candidat. Nous lui demandons un résumé analytique pour chaque phase et des réponses à des questions précises, en leur donnant à chaque fois un nombre de mots maximum. Par exemple, ils doivent expliciter clairement le public visé, les objectifs mesurables, l’insight et l’idée stratégique principale, et surtout la preuve des résultats qui compte pour l’essentiel de la notation» expliquent les organisateurs, Marie-Pierre Bordet pour l’AACC et Didier Beauclair pour l’Union des marques, véritables marraine et parrain des Effie France depuis quelques décennies.
«Cette évolution visait à donner un regard beaucoup plus objectif sur la réelle efficacité des campagnes et à gommer l’effet waouh de certaines présentations de candidatures», nous confie Gérard Lopez, président du jury depuis 2018 (photo ci-contre). Il a facilité le dialogue sur l’efficacité, sur le fond des choses pendant les réunions de jury». «Cela a plein d’avantage, notamment celui d’apporter de l’équité, mais des cas qui étaient parfaitement rédigés par rapport à leur histoire, à leur logique, peuvent perdre un peu en cohérence», souligne tout de même Luc Basier. Didier Truchot, lui, propose d’aller plus loin dans l’encadrement des cas: «établir davantage de règles sur ce qu’on peut dire ou ne pas dire dans la présentation des indicateurs d’efficacité».
Agences, l’appel à candidature pour la 30^e édition des Effie vient de démarrer. Il est temps de vous poser la question: qu’ai-je fait de très efficace au cours des douze derniers mois? Allez-vous laisser BETC, Buzzmann ou TBWA étoffer leur palmarès? La première est celle qui a remporté le plus de grands prix (1995, 1996, 2003, 2010, 2015, 2019). La deuxième a remporté trois des sept derniers grands prix (2016, 2020, 2021). La troisième a aussi remporté trois grands prix (1998, 2012, 2014) et a été désignée agence de l’année 2022 selon le classement par points. A vous de jouer!

Les 10 atouts du Prix Effie

1- Réunissant les agences et les annonceurs, il est basé sur ce qui intéresse le plus les annonceurs: l’efficacité de la com’.
2- Tous les domaines, tous les métiers et les acteurs de la communication sont concernés.
3- Le jury de professionnels reflète l’universalité des acteurs : annonceurs, agences, médias, sociétés d’études, experts et universitaires.
4- La présentation des dossiers de candidatures est très encadrée et entièrement harmonisée.
5- Les critères d’attribution sont clairs et leur objectivité est soutenue par une grille de notations.
6- L’exigence du jury : il ne décerne des Prix Or qu’aux campagnes méritantes.
7- Le rayonnement des Effie est international.
8- Leur pérennité : il existe aux Etats-Unis depuis 1968, en France depuis 1994.
9- Ils sont une preuve vivante et régulière de l’efficacité de la communication et de son rôle dans l’économie.
10- L’historique des Prix Effie constitue une banque de données de cas remarquables et un cahier de tendances pour le secteur.

Emmanuel Charonnat

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