Croissance du marché publicitaire en 2024: l’incertitude absolue

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Un marché pris en étau, des investissements ciblés sur des événements, des disparités entre les médias… difficile d’anticiper !
Cinq agences médias ont mis à jour leurs prévisions 2023/2024 pour la conférence AdForecast de CB News/CB Expert.

C’est du jamais vu ! Un tel écart entre les prévisions des grands réseaux d’agences médias du marché. Pour 2024, GroupM prévoit +9,7%. On friserait la croissance à 2 chiffres grâce aux grands événements sportifs et à une certaine reprise économique. A l’opposé, Dentsu et Havas Media se contenteraient d’un taux légèrement supérieur à +3%, un point au-dessus de celle de 2023. Entre les deux, Magna (Mediabrands) envisage +5,4% et Publicis Media autour de +4%.
Jamais les prévisions de ces agences n’avaient autant divergé, même en 2021 et 2022 après le Covid. A titre de comparaison, en 2019, à la même époque, quand il s’agissait de prévoir 2020, la fourchette des «forecasts» se situait entre +3% et +4,4%. Et, les années précédentes, il était très rare que l’écart atteigne 2 points entre la prévision la plus pessimiste et la plus optimiste.

PILOTAGE À VUE
La prévision est donc devenue très difficile à moyen terme (4 à 16 mois) mais aussi, visiblement à court terme, puisqu’il y a aussi plus de deux points d’écart pour 2023 (entre +2% et +4,2%) alors que toutes ces prévisions ont été réalisées à la mi-septembre juste après la connaissance du bilan du 1er semestre (+1,2% selon le BUMP), après l’été donc, et alors que les budgets de rentrée étaient déjà bien engagés.
«Ce qui est très compliqué à anticiper aujourd’hui, c’est l’impact de la Chine qui se renferme et le côté attentiste des USA qui est en train de calmer tous les marchés, explique Gautier Picquet, CEO de Publicis Media France. Notre marché est pris en étau entre la consommation immédiate et la consommation long terme qui sont quelque peu chahutées. Et en même temps, on n’a jamais eu autant d’événements propices à l’investissement publicitaire.» Pour Olivier Baconnet, Head of Trading de GroupM, «l’effet de base sera important pour les 8 premiers mois de l’année qui ont été relativement faibles en 2023 et cette période sera portée par l’Euro de foot, diffusé sans décalage horaire, et surtout les Jeux olympiques. Comme les JO ont lieu en France, beaucoup d’investissements marketing de la part d’annonceurs internationaux se recentrent sur le marché français». Ce sera aussi, selon lui, « la poursuite de la trajectoire de la fin d’année 2023 qui est plutôt bonne, avec le retour de la grande consommation et de l’automobile, une forte traction de la part de la distribution, mais aussi l’effet des hausses des coûts des médias». Du côté de Dentsu qui a dégradé en septembre ses prévisions 2023 et 2024, Julie Humeau, Director of media insights, analyse: «Les JO devraient apporter environ 200 millions d’euros supplémentaires mais une partie du marché va certainement baisser ses investissements. Les indicateurs macro-économiques ont été revus à la baisse. Et nous commençons à percevoir, chez nos clients, des restrictions pour la fin 2023 et de la frilosité liée à la conjoncture». Pour elle, «cela peut amener des gels de budgets médias. Les mois de juin, juillet, août 2024 seront très forts mais cela sera sûrement au détriment du T1. Quant à la fin de l’année prochaine, la prévision est très difficile car il y a de moins en moins de décisions à moyen/long terme et beaucoup de nos clients pilotent à vue.»

LES MÉDIAS NE SERONT PAS TOUS GAGNANTS
Alors que GroupM prévoit +12,4% pour le digital en 2024 – boosté par le retail media à +23% – la directrice des études d’Havas Media Network, Faïza Rabah tempère: «on ne devrait pas retrouver les progressions à deux chiffres que l’on a connues pour le digital, mais atteindre un plateau de croissance plus modéré, avec le Search, porté par de très gros acteurs et par le segment retail, et le social media soutenu par le développement de la vidéo, format roi des médias». Pour les médias traditionnels, les avis sont également partagés. Faïza Rabah estime que «l’incrémental lié aux JO sera faible et que l’on assistera plutôt à une modification de l’orchestration des campagnes médias: reports ou décalages de vagues pour profiter de la période JO ou de l’Euro». Elle mise au mieux sur une légère croissance pour la TV, tout comme Magna (Mediabrands) – qui prévoit +2,6% en intégrant les revenus digitaux – alors que GroupM croit davantage à l’effet entraînant des grands rendez-vous sportifs (+5,7%). Céline Baumann, Head of Magna, espère que «l’économie va se stabiliser et permettra un retour des annonceurs qui ont quitté la TV au S1 2023, notamment les pure players». Mais Julie Humeau, chez Dentsu, rappelle qu’«il y aura des sujets structurants de mesure d’audience TV qui risquent d’être compliqués à gérer pour le marché».
Quant à la radio, «il y a quelques années, on aurait pu croire qu’elle se ferait«massacrer» par la digitalisation, mais elle résiste bien, progresse au S1 et est solide grâce aux secteurs extrêmement fidèles à ce média et dynamiques en investissements. L’ensemble de la distribution représente près de 50% de ses recettes, explique Olivier Baconnet chez GroupM. Les besoins de proximité, de relayer des promotions, et son ticket d’entrée plus abordable que d’autres médias jouent en sa faveur». «L’auto-réduction du temps d’antenne de la publicité va s’accélérer en 2024, elle améliore la qualité du média mais crée aussi une hausse des tarifs, ce qui permettra aux stations d’engranger du CA supplémentaire», ajoute Céline Baumann.
Pour toutes les agences, la publicité extérieure va bien tirer son épingle du jeu en 2024. Magna prévoit 6 points de croissance pour l’OOH, dont environ 4 points grâce aux JO. «Les JO seront un événement de territoire et outdoor. Tous les réseaux parisiens sont déjà vendus pour l’été, souligne Julie Humeau. En revanche, l’année sera plus compliquée pour le cinéma et pour la presse qui souffre même dans sa version digitalisée». «C’est un moment charnière pour la presse. Tant qu’elle n’aura pas réformé son modèle publicitaire, elle ira de difficulté en difficulté, prévient Olivier Baconnet. Tant que l’on n’aura pas des versions électroniques enrichies, dynamiques en termes de publicité, voire programmatisées, le solde des annonceurs qui arrivent versus ceux qui partent sera négatif.»

VERS UNE POURSUITE DE L’INFLATION DES MÉDIAS
Magna publie régulièrement ses estimations et prévisions pour l’évolution du coût des médias. Pour la TV nationale, le coût au GRP sur les 15-49 ans est prévu en hausse de 12% cette année et de 13,5% l’an prochain, en tenant compte du changement de méthodologie dans le calcul des GRP, créant une inflation mécanique de plusieurs points. Les taux d’inflation envisagés se situent autour de 5% pour la radio et pour la vidéo online, de 4% pour l’OOH et le social media, de 2% pour la presse.
Derrière ses prévisions, peuvent se cacher de fortes disparités entre les périodes et les supports, ces derniers réagissant surtout en fonction de la demande. «Nous essayons de rendre les outils et les stratégies plus fl exibles pour nos annonceurs, afin d’avoir des solutions de repli rapides en cas de besoin, assure Julie Humeau. Nous les aidons à conserver leur pouvoir d’achat média, ce qui tend nos relations avec les régies.» Gautier Picquet nuance: «Le rôle des agences médias n’est pas de contenir l’inflation des médias. Il s’agit d’une problématique collective, une question de saisonnalité des investissements publicitaires. Tout le monde veut communiquer au même moment, entre avril et juin, puis revient en septembre. Résultat : on atteint en France les taux d’encombrement publicitaire les plus forts du monde».

Emmanuel Charonnat


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