USA : l’audience TV live continue de s’effondrer

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En Direct de New York – chronique des médias et de la publicité aux USA, par Vincent Létang, Magna (IPG Mediabrands)

Vincent Létang, EVP, Global Market Intelligence, chez Magna (IPG Mediabrands), nous décrit 7 tendances du marché américain, qui peuvent nous éclairer sur le futur des médias en Europe.

On considère souvent, et avec raison, que les Etats-Unis sont un baromètre, voire une boule de cristal pour l’avenir des médias. Sur de nombreux aspects, l’industrie audiovisuelle, les réseaux sociaux, la consommation des médias et le fonctionnement du marché publicitaire ont plusieurs années d’avance sur les marchés européens.

Pourquoi ? Quatre raisons principales peuvent l’expliquer : la taille du marché favorisant les effets d’échelle et de basculement; le faible niveau de règlementation concernant les programmes, la distribution, la concurrence; la culture d’innovation technologique; et la relative jeunesse de la population par rapport à notre «vieille» Europe.

Tendance n°1 :
Consommation TV : l’audience live continue de s’effondrer

La consommation TV sur le mode traditionnel «live+» – c’est-à-dire live + différé + replay sur écran TV – baisse sans interruption depuis 2010 chez les 18-49 ans. Elle était de 4h30 par jour en 2009 et est tombée à moins de 3 heures quotidiennes en 2018. Une perte de 35% en dix ans.
Beaucoup s’attendaient à une stabilisation du niveau de consommation – ou, au moins, un ralentissement du rythme du déclin – quand la fiction et les programmes de stock auraient fini de migrer vers la VOD. Dans les faits, le basculement de la fiction vers la VOD est maintenant bien avancé, mais le déclin de la consommation traditionnelle de télévision accélère depuis deux ans. L’érosion de la durée d’écoute est passée de -5% par an en 2013-2016 à -10% par an en 2017 et en 2018, chez les 18-49 ans.
Pourquoi cette accélération ? Deux raisons principales : le sport qui, aux USA, est très majoritairement diffusé sur les chaines gratuites et les chaînes du câble basique (ESPN), n’a finalement pas résisté à la tendance générale. Aucun type de programme n’est désormais épargné par la baisse de l’audience. Les jeunes – et non seulement eux – n’ont plus la patience de s’asseoir pendant quatre heures devant un match de football américain. Beaucoup préfèrent regarder les «highlights» sur leur smartphone.
Deuxième raison: l’explosion de l’offre de programmes en VOD depuis deux ou trois ans. Avec le lancement de l‘appli HBO Now en 2016, l’acteur historique de la télévision premium a été le premier à donner accès à ses programmes, sur tous les écrans, et sans abonnement au câble.

La baisse constante des ratings, sur les broadcast networks (ABC, CBS, NBC, FOX, CW) comme sur les chaînes du câble, a abouti à ce résultat remarquable : au 4ème trimestre 2018, le rating moyen pour ces 5 networks en prime-time est passé, pour la première fois en 50 ans, sous le seuil de 1% (cible: 18-49 ans). Il était de 1,5% il y a quatre ans et de 3,5% il y a seulement 10 ans. Par ailleurs, le taux d’audience de l’ensemble des chaînes du câble est passé sous la barre des 10%. Ce qui signifie que moins de 15% des Américains de moins de 50 ans regardent la télévision pendant le prime-time : 10% sur le câble, 5% sur les 5 networks…
En France, ce sont encore près de 30% des 15-49 ans qui regardent la télé en moyenne entre 20h30 et 22h30…

De plus, si, entre 2014 et 2018, la consommation TV aux Etats-Unis a baissé de 25% chez les 18-49 ans, descendant à 20 heures par semaine, elle a chuté de 36% chez les 18-34 ans (15 heures) et de 47% chez les 12-17 ans (10 heures). On assiste donc à un effondrement de la consommation traditionnelle de télévision chez les «Millennials» et les «Gen Z» – qui sont aussi la génération smartphone/ YouTube /Facebook. Et il y a fort à parier que ceux-ci ne se tourneront pas vers des modes de divertissement traditionnels en vieillissant. Le renouvellement démographique naturel va nécessairement accélérer le phénomène pendant les 15 prochaines années. La seule inconnue réside dans l’inertie potentielle des générations plus âgées.
Plus problématique encore que l’effondrement de la durée d’écoute, la pénétration de la télévision commence, elle aussi, à décrocher. Les annonceurs de grande consommation peuvent supporter une baisse de la répétition sur leurs campagnes mais une baisse de la couverture pose un problème plus aigu aux média-planneurs. Jusqu’en 2010, la TV permettait d’atteindre quasiment l’ensemble des consommateurs américains, puisque 90% des 18-49 ans regardaient la TV au moins une fois par semaine. En moins d’une décennie, la couverture hebdomadaire est tombée à 83% chez les 18-49 ans et en dessous de 70% chez les moins de 35 ans.

La baisse des ratings – alors que le volume publicitaire est déjà au taquet – crée une insuffisance de l’offre par rapport à la demande des annonceurs dans une économie en forte expansion depuis 2 ans. La persistance de la demande, malgré le niveau record des coûts au mille (50$ sur les networks en prime-time) en dit long sur la volonté de beaucoup d’annonceurs de maintenir leur présence sur la bonne vieille télé et leur perception positive du retour sur investissement. Forte demande, offre insuffisante, cette situation a entrainé une inflation des coûts au GRP d’environ 10% par an depuis 5 ans sur le prime-time (contre 4 à 5% en France). La télévision est le seul média à bénéficier d’un tel «pricing power» : les CPM de la presse stagnent et ceux de la radio baissent, malgré une érosion similaire de leurs audiences.

Le volume publicitaire est-il en question? Aux USA, les networks diffusent environ 12 minutes de pub par heure en moyenne, et les chaînes du câble au moins 15 minutes par heure. Les diffuseurs sont conscients qu’une telle pression publicitaire contribue sur le long terme à faire fuir la génération Netflix… un peu plus encore vers Netflix. Mais, malgré de nombreuses annonces en ce sens, ils ne peuvent se résoudre à la réduire pour l’instant, privilégiant les revenus à court terme à la compétitivité de la TV linéaire à long terme.


(à suivre, six autres tendances…)

Vincent Létang
@vletang_magnaglobal

Français d’origine, expert international sur le marché publicitaire et l’industrie des médias depuis 25 ans, Vincent Létang a vécu et travaillé en France et en Grande-Bretagne avant de rejoindre MAGNA (groupe IPG Mediabrands) en 2011. Désormais basé à New York, Vincent dirige les études de marché et la prévision sur les recettes publicitaires mondiales. MAGNA Intelligence publie plus de 40 rapports par an sur les tendances du marché publicitaire (programmatique, search, affichage, podcasting etc).


Lire aussi :

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