Le cinquantième Super Bowl bat encore des records

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Au prix de 4,6 millions de dollars les trente secondes de pub, le Super Bowl 50 est le premier à être simulcasté intégralement sur internet, avec son cortège de «commercials»

Dernière minute – mardi 9 février : les chiffres publiés hier par Nielsen attribuent 111,9 millions de téléspectateurs au Super Bowl 2016 (vs 114,4M. en 2015 et 112,2M. en 2014) et un taux d’audience foyer de 46,6% (vs 47,5% en 2015) pour une part d’audience de 72%.

En nombre de téléspectateurs, c’est le 3ème score d’audience TV de toute l’histoire des Etats-Unis. Et ces chiffres n’incluent pas les spectateurs du streaming sur Internet, évalués par CBS à 1,4 million en moyenne (et à 3,96 millions en cumulé), ni les audiences dans les lieux publics (bars, restaurants…).

 

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En direct des US, par Vincent Létang, Magna Global

(IPG Mediabrands), jeudi 4 février 2016

« 4,6 millions de dollars les trente secondes et 117 millions de téléspectateurs attendus : le Super Bowl 50 ce dimanche 7 février devrait – de nouveau – battre des records d’audience et de recettes publicitaires. Ce sera aussi le premier Super Bowl à être simulcasté intégralement sur internet, avec son cortège de «commercials».

Dans un contexte d’érosion accélérée de l’audience de la télévision linéaire, deux types de programmes résistent mieux que tout le reste : le sport en général et les « tent pole events ». Les « tentpole events » ce sont les grands évènements en direct, comme les cérémonies de remises de prix (Grammies, Oscars, Golden Globes, Emmys) et les grandes finales sportives. Un évènement se situe à l’intersection des deux catégories et fait mieux que résister à l’érosion générale de l’audience et c’est bien sûr le Super Bowl, la grande finale du championnat de football américain (NFL).

Les retransmissions sportives ont été au cœur de la télévision américaine dès sa naissance : les premiers directs de Baseball et de boxe datent du début des années 1940 lorsque les US comptaient quelques milliers de foyers équipés dans la région de New York. Le sport n’a jamais cessé d’être le genre le plus populaire et le plus fédérateur. Quand la télévision commença à envahir les foyers de la « middle class » dans les années 50, certains commentateurs des mœurs se félicitaient du fait que les retransmissions sportives retenaient les hommes à la maison, au lieu de les voir partir le soir vers les stades et les bars, contribuant ainsi à la stabilité des familles. Le Super Bowl est vite devenu, et reste, un évènement essentiellement familial.

Contrairement à l’Europe où le football ne possède aucun rival sérieux en termes de popularité, les US comptent quatre grandes ligues professionnelles avec chacune une large base de fans et une forte présence télévisuelle : Baseball (MLB), Basket Ball (NBA), Hockey (NHL) et Football américain (NFL). Le « soccer » est en progression constante mais reste pour l’instant très loin derrière. Néanmoins, au cours des 30 dernières années, le football (américain) est devenu de plus en plus dominant, au détriment du base ball, notamment grâce à sa popularité dans toutes les couches sociales et ethniques, et au talent marketing de la NFL. En 2015, sur les dix programmes les plus regardés, on comptait neuf matches de NFL… et les Oscars.

 

Pourquoi ces audiences record ?

 

L’an dernier, le Super Bowl 49 (Février 2015) devint le programme le plus regardé de l’histoire de la télé américaine, avec une moyenne de plus de 114 millions de spectateurs, battant son propre record pour la troisième année consécutive (2014 : 112 millions, 2013 : 109 millions). Ce volume d’audience représente environ 40% des individus de 4 ans et plus. Par comparaison, en France, seule la Coupe du monde et l’Euro de football atteignent (parfois) ces niveaux : le taux le plus élevé de l’histoire française est de 40,6% pour France-Italie à l’Euro 2000 et il faut remonter à 2006 pour trouver des taux d’audience au-dessus de 30%.

Derrière ces chiffres impressionnants, le Super Bowl n’est pas complètement immunisé contre la tendance générationnelle négative qui affecte la télévision linéaire : la croissance du nombre de spectateurs en 2015 (2,3 millions) provenait entièrement des plus de 35 ans, tandis que le nombre d’hommes entre 18 et 24 ans enregistrait une baisse de 17%.


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Néanmoins, alors que les ratings de toutes les autres catégories de programmes ont baissé au cours des dix dernières années et surtout dans les six dernières, le rating du Super Bowl sur les adultes 18-49 a augmenté entre 2006 et 2010 (de 34 à 38). En 2006, le Super Bowl réalisait un rating de 34,6 (Adultes 18-49) soit deux fois plus que la plus forte audience de l’année pour un programme hors sport et hors tentpoles(16,5 pour Grey’s Anatomy). Dix ans plus tard en 2015, le Super Bowl rassemblait 39,2% des 18-49 ans tandis que la plus forte audience (hors sport, hors tentpoles) était de seulement 8,6 (The Walking Dead). En moins de dix ans l’écart entre le Super Bowl et les plus populaires des autres programmes est passé de x2 à x4. Le Super Bowl est également un formidable tremplin pour les networks qui le diffusent. Six fois au cours des dix dernières années, la fiction ou le programme de variété qui a immédiatement suivi le Super Bowl a enregistré le plus gros rating de l’année dans sa catégorie.

Le Super Bowl est donc un animal unique dans le paysage télévisuel et son taux audience s’est aujourd’hui stabilisé à un très haut niveau: un « rating » entre 39 et 41 chaque année, quel que soit le network (rotation entre NBC, CBS et Fox), et quelles que soient les équipes. Même le scénario du match n’a que très peu d’influence sur l’audience, que le match soit serré et indécis comme en 2015 (New England Patriots 28, Seattle Seahawks 24) ou totalement « one-sided » et décevant comme en 2014 (Seattle Seahawks 43, Denver Broncos 8), la grande majorité des spectateurs va au bout des 3 heures 30. Cette stabilité ajoutée au pourcentage élevé de femmes dans l’audience totale (plus de 40%) montre que le Super Bowl va bien au-delà de l’audience typique du sport ; c’est une expérience collective, un cérémonial national, dans lequel le sport est secondaire.

Cela peut paraitre étrange pour un français et un fan de « soccer », mais une partie des spectateurs du Super Bowl se désintéresse du résultat du match, voire se désintéresse entièrement du jeu. Dans une époque où sévissent « ad-blocking » et « ad avoidance », alors que Hulu vient de lancer une offre premium « commercial-free » similaire  à Netflix pour courtiser les consommateurs allergiques aux interruptions publicitaires, beaucoup d’américains regardent en fait le Super Bowl pour se gaver de publicité. Une (petite) partie du public enregistre le match pour regarder après-coup les écrans de pub, passant les séquences de jeu en lecture accélérée! Il faut pouvoir participer aux conversations du lundi matin qui porteront sur les pubs autant que sur le match.

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La quasi-totalité des spots sont diffusés pour la toute première fois (même si les annonceurs diffusent de plus en plus souvent des teasers sur les réseaux sociaux dans les jours précédents) et beaucoup sont de petits chefs d’œuvres, souvent remarqués pour la présence de stars, l’humour décalé ou la qualité des effets spéciaux. Parmi les créations restées célèbres, on peut mentionner le petit Darth Vader de Volkswagen (2011) ou le lancement du Macintosh par Apple en 1984. Certains de ces films ont depuis atteint plus de cent millions de vues sur Youtube.

Streaming

En 2015 le Super Bowl 49 était disponible live en streaming gratuit mais la version en ligne comportait seulement environ un tiers des spots de pub, les annonceurs ayant la possibilité d’exclure cette plateforme de leur plan. Cette année le diffuseur, CBS, ne leur laisse pas le choix et le streaming comportera les mêmes pubs que le télécast. Autre innovation, le décalage entre le télécast et le streaming sera réduit à 30 secondes au maximum, au lieu de plusieurs minutes l’an dernier. Ces deux innovations devraient garantir une audience record sur PC et tablettes (2,9 millions de spectateurs en 2015).

Intérêt des annonceurs

L’intérêt des annonceurs n’a cessé de grandir au cours de dix dernières années, quel que soit l’environnement économique ou l’état du marché publicitaire. Pour l’édition 2016, les ventes étaient complètes dès novembre 2015. 40 annonceurs vont diffuser environ 83 spots (contre 80 en 2015 et 65 dix ans plus tôt). On retrouve comme d’habitude les grandes marques de l’automobile, des boissons (Coke, Pepsi, Budweiser) et des studios hollywoodiens (Disney).

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Signe des temps, les acteurs de l’internet et du e-commerce représentent une part croissante des annonceurs. Cette année, Amazon et Paypal vont être présents pour la première fois, Squarespace et Wix.com (construction de site web) reviennent et plusieurs startups dotcoms font leur apparition : Sofi, Suntrust et Quicken Loans (prêts à la consommation), Appartments.com (immobilier), Mobile Strike (jeu vidéo sur smartphones).

Le coût et le retour sur investissement

Cette année nous estimons que le coût du spot de trente secondes sera en moyenne de 4,6 millions de dollars, soit près de 10% de plus que l’an dernier, et jusqu’à cinq millions pour certains spots, sachant que beaucoup d’annonceurs utilisent des créations d’une minute ou plus et beaucoup achètent deux insertions. Le prix moyen du CPM (sur la cible adultes 18-49) s’établira autour de $85, soit environ deux fois le coût moyen d’un prime time sur les networks nationaux.

Quatre à cinq millions les trente secondes et un CPM de $85, sans compter le coût de la création et le coût des campagnes digitales associées : le coût total d’une campagne Super Bowl atteint fréquemment les 20 millions de dollars. Quelle est l’équation économique ?Il fut un temps où acheter des spots pendant le Super Bowl était un luxe absurde et risqué, une hérésie de médiaplanning qui ne pouvait s’expliquer que par l’égo des CEO et des CMO. C’était peut-être vrai dans le passé, mais aujourd’hui le coût complet doit être mis en perspective avec beaucoup de bénéfices de plus en plus uniques que seule peut apporter une présence au Super Bowl.

Certes, concentrer une part significative de son investissement TV ou jouer le lancement d’un nouveau produit sur le Super Bowl reste un pari risqué pour les annonceurs, en particulier parce que l’impact dépend presqu’entièrement de la qualité et de la réception de la création. L’an dernier par exemple, une compagnie d’assurance avait pris le risque d’aller contre le ton habituel (patriotique ou bien léger/décalé), pour évoquer la mort accidentelle d’un enfant. Le film a généré un « buzz » considérable, mais très largement négatif, et, malgré les bonnes intentions de l’annonceur (la prévention des accidents), le directeur marketing n’avait pas survécu.

Néanmoins à une époque où l’audience se fragmente, le Super Bowl est le dernier évènement à rassembler au moins 35% de l’audience dans toutes les classes socio-démographiques ou ethniques. Le « buzz » généré par la présence d’un annonceur au Super Bowl parmi les consommateurs et les collaborateurs a toujours été une partie de l’équation justifiant le coût, mais aujourd’hui les outils existent pour contrôler, amplifier et mesurer cet impact via Youtube, Facebook, Twitter etc. Un passage au Super Bowl s’accompagne désormais toujours d’une stratégie numérique, notamment sur les réseaux sociaux, qui se déploie avant, pendant et après le match. Le Super Bowl est en effet l’évènement télévisuel le plus tweeté: plus de 25 millions de tweets pendant l’édition 2015 et parmi eux beaucoup de commentaires sur les pubs plutôt que sur le match. Là encore ce record devrait être battu ce dimanche.

Les annonceurs pour lesquels la présence au Super Bowl fait sens, à un moment donné, se répartissent en plusieurs grandes catégories : les grandes marques (boissons, snacks)associées au sport et à la fête, pour qui la présence est presque obligatoire ; les marques de grande consommation qui veulent booster un lancement de produit ; les marques qui veulent renouveler profondément leur image. Une nouvelle catégorie a émergé ces dernières années : les start-ups qui espèrent faire décoller leur notoriété.

Le Super Bowl est-il un indicateur de la sante de la pub TV ? La réponse est clairement non. L’audience du Super Bowl n’a cessé de grimper depuis dix ans alors que la consommation de TV linéaire a stagné puis diminué ; le coût des spots a augmenté chaque année pour presque doubler sur la période, alors que l’inflation moyenne des CPM ont globalement stagné. Ce qui fait le succès du Super Bowl ce sont les opportunités uniques qu’il offre en termes de puissance et de buzz, a une époque ou il est de plus en plus difficile d’émerger.

 

Et le Super Bowl en France ?

 

La NFL fait un effort pour populariser le sport en Europe mais elle part de très loin. Ces dernières années trois matchs de saison régulière ont été organisés à Londres, chaque saison, et ont rempli le stade de Wembley (80 000 places). Le Super Bowl, diffusé en France sur W9, réunit entre 200 000 et 350 000 spectateurs sur les cinq dernières années: c’est très respectable pour un programme de trois heures qui commence à minuit un dimanche soir, mais on ne détecte pas de tendance haussière claire. »

 

Le Super Bowl 50 en chiffres

 

4,6 millions de dollars : le coût moyen du spot pour 30s (en 2015 : 4,2 millions).

C’est environ 20 fois plus cher que l’écran le plus cher commercialisé en France en 2015 (230 000 euros bruts au début du match France-Nouvelle Zélande pendant la coupe du monde de rugby).

114 millions de téléspectateurs en 2015

85 dollars : le coût pour mille (cible 18-49).

40 : le nombre d’annonceurs.

83 : le nombre de spots: (contre 80 en 2015 et 65 dix ans plus tôt).

400 millions de dollars : les recettes publicitaires totales anticipées pour CBS (2015 : 376 millions pour NBC).

25 millions : le nombre de Tweets pendant le match en 2015.

 

Vincent Létang

@vletang_magna

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 Vincent Létang analyse l’industrie des médias et de la publicité depuis 20 ans. Il vit à New York et dirige les études de marché globales de Magna Global, une division d’IPG Mediabrands.

 

 

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