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Sport à la télévision : le spectacle ultime

Capter les émotions, marquer les passions… le sport à la télévision est un terrain de jeu sans cesse renouvelé pour les marques qui ont des valeurs à transmettre, des engagements à partager, ou qui cherchent simplement à développer leur notoriété ou leur image.

Capter les émotions, marquer les passions… le sport à la télévision est un terrain de jeu sans cesse renouvelé pour les marques qui ont des valeurs à transmettre, des engagements à partager, ou qui cherchent simplement à développer leur notoriété ou leur image. De la TV au smartphone, bienvenue dans le dernier grand spectacle du petit écran. Qui fait le bonheur des petits et des grands!

Les quinze mois à venir seront riches en émotions. Après le Tour de France 2023, le Mondial de foot féminin et la reprise de la Ligue 1 avec un nouveau PSG, nul doute que les Bleus «ovales» brilleront face aux Blacks dans l’Hexagone, tandis que les Lensois essaieront de sortir de leur poule de Champions League après 20 ans de diète. Le premier semestre 2024 nous offrira un beau Tournoi des 6 Nations et une nouvelle édition ensoleillée de Roland-Garros. Et les Bleus « ronds » seront espérés en Allemagne pour défendre leur statut de favori à l’Euro, quelques jours avant le départ du Tour. Puis ce sera l’apothéose, les Jeux, l’Olympe à Paris ! Spectateurs, médias et marques vont s’en donner à coeur joie.

Dernier bastion de la puissance TV

«Le sport est le dernier bastion qui réunit autant de publics différents à un instant T et qui déchaîne des passions. Il se regarde peu en replay», souligne Matthieu Caste, directeur des partenariats sportifschez Fuse (OMG). Co-président de Publicis Sport, Pascal Crifo confirme l’importance de la puissance [1]instantanée des retransmissions: «Dans la puissance, il y a la vertu de toucher plein de cibles en même temps. Souvent les annonceurs ont des coeurs de cible, mais il est toujours bon pour eux de travailler régulièrement les cibles larges, de parler à différents publics». Et «notamment les petits consommateurs TV et les jeunes qui désertent le média. Si on veut toucher des 15-25 ans en TV, le bon rapport prix/audience, c’est un événement sportif», poursuit celui qui dirige aussi l’agence média Blue 449. Le temps d’un match à enjeu, ces jeunes n’hésitent pas à «délaisser leur consommation de vidéo délinéarisée, Netflix ou Prime Video, pour revenir en direct sur TF1, France TV, Canal+ ou d’autres, parce qu’il y a une exclusivité». Ainsi France Télévisions se targue d’avoir atteint une audience cumulée de 99,7% sur les 15-34 ans en 2022 pour l’ensemble de son offre sportive.

[2]«Depuis 2018, chaque année, la meilleure audience de la TV est celle d’un sport collectif sur TF1: coupes du monde de foot masculines et féminines, finale de Champions League avec le PSG, Euro 2021» se réjouit Stéphane Devergies, directeur commercial du pôle Sport & Information chez TF1 Pub. «La finale de la coupe du monde 2022 France-Argentine est même le record historique du Médiamat, avec plus de 24 millions en moyenne en linéaire et 30 millions au moment des tirs au but. Aucun autre programme n’est capable d’une telle performance».

«Les événements sportifs sont des grands marqueurs pour les chaînes», explique Matthieu Caste. «Le [3]foot a toujours été un produit d’acquisition et de fidélisation pour Canal+. TF1 s’est largement développé sur le suivi des équipes de France lors des grandes compétitions internationales. France TV se présente comme le plus grand terrain du sport, avec des marronniers très puissants que sont Roland-Garros, le Tournoi des 6 Nations, le Tour de France… Les grands événements sportifs sont des faire-venir incomparables pour les marques médias, qui répondent aux attentes et envies du public».
«Dans un contexte de baisse de la durée d’écoute TV, les événements sportifs sont un des genres qui résistent le mieux», observe Frédéric de Vincelles, DG des programmes du groupe M6, en charge des plateformes et du sport. «Dit autrement, le sport fait venir à la télévision des gens qui n’y viennent pas [4]tous les jours». Les sommes payées pour les droits des grands événements sportifs sont rarement rentables pour les chaînes TV en clair, si l’on ne regarde que leurs revenus publicitaires associés. Mais ces programmes sont indispensables pour maintenir le lien – en live – avec les téléspectateurs et le lien avec les annonceurs les plus captifs. «Comme d’autres genres en télévision (la fiction française et les films US en général), le sport – de façon systématique – n’est pas rentable» reconnaît-on du côté de M6. Mais «il attire vers M6 ou W9 un public plus large que d’habitude et nous essayons de tisser un lien avec eux, de faire de la rétention en leur présentant des autopromotions, en leur parlant de nos autres programmes phares».

Féminisation de l’audience

Si les écrans publicitaires situés autour du sport sont généralement tarifés sur la cible des hommes de 25 à 49 ans, les régies scrutent aussi leurs performances sur les cibles mixtes et mêmes féminines. «D’autant plus que, depuis la Coupe du monde 2018, les scores FRDA<50 ans [Ndrl: Femmes Responsables des Achats de 15 à 49 ans] des matches de foot ont progressé de façon spectaculaire. Il y a eu une féminisation assez forte de l’audience du foot et du sport en général sur les 5 dernières années» ajoute Frédéric de Vincelles. Une tendance que confirme Nathalie Dinis, DGA Commerce de FranceTV Publicité : «Nous constatons de plus en plus de mixité dans l’audience des événement sportifs: en 2022, la part des femmes a atteint 41,3% sur le Tour de France, 48,2% sur Roland Garros et même 53,4% sur les JO d’hiver.» Chez M6, on cite l’exemple de ce match de poule de l’Euro 2021, France-Allemagne, qui avait réalisé une meilleure part d’audience auprès des FRDA<50 (62,5%) que sur l’ensemble des individus de 4 ans et plus (57,8%).

Ruée vers l’écrin

Quels sont les annonceurs les plus attachés à ces moments de communion sportive, considérés comme brand safe et porteurs de valeurs ? «À l’exception de marques ayant des cibles exclusivement féminines, toutes les grandes marques sont présentes autour des grands événements sportifs», affirme Stéphane Devergies chez TF1 Pub. Mais «cela dépend aussi de la temporalité de l’événement. Ainsi, les marques de chocolat qui ne sont pas là d’habitude en juin / juillet sont venus en novembre / décembre sur le mondial du Qatar à l’approche des fêtes de Noël». Ferrero était le 4ème annonceur présent dans ces écrans sur TF1 en décembre, selon Kantar. Le directeur commercial cite aussi le cas du «secteur du parfum masculin très présent avant les fêtes de Noël: «Cela a tellement bien marché pour eux qu’ils seront là aussi en septembre / octobre pendant la coupe du monde de rugby.» D’après les bilans de Kantar, le secteur de la beauté a pesé 17% dans les revenus publicitaires du mondial 2022 sur TF1, contre 10% dans celle de 2018. Outre L’Oréal, les parfums Giorgio Armani, Jean-Paul Gaultier, Christian Dior, Azzaro, Hermes, Chanel, Yves Saint Laurent et Dolce & Gabbana se sont disputés les écrans pub des 28 rencontres diffusées en clair. Dans le top 10 des annonceurs, figurait une seule marque auto (Renault) mais deux marques fast-foot (Burger King, McDonald’s) et trois marques liés aux équipements et abonnements médias (Apple, Amazon, Canal+), devant FDJ, Visa et EDF.
Quand la demande est forte, «les régies s’efforcent de servir les annonceurs captifs, ciblant les hommes, qui ne comprendraient pas de ne pas y être, puis c’est la bataille entre grandes marques ciblant plus largement» raconte Pascal Crifo qui révèle également que pendant la finale et la demi-finale de la France au Qatar, son agence a pu acheter des emplacements au dernier moment. Il faut dire que le tarif brut a atteint des sommets (330 000 € les 30 secondes). Selon Kantar, Burger King a acheté le spot le plus cher : 907 500 € bruts pour 60 secondes, pendant la mi-temps de France-Argentine. «Les annonceurs ne regardent pas tant que ça le coût/GRP sur ces matchs-là. Ce qu’ils veulent, c’est toucher 25% des Français en même temps. Ils paient cette puissance», assure Pascal Crifo.
L’emplacement préféré des annonceurs – et donc vendu le plus cher – est appelé le golden spot. Il ne dure que 60 secondes, peut accueillir 3 spots, et est placé entre les hymnes et le démarrage du match. [5]Viennent ensuite les premiers et derniers spots de la mi-temps. «Quand on travaille sur le dispositif et la tarification d’un événement sportif, il y a de nombreux aléas. Est-ce qu’il y aura une équipe française? Est-ce un match à enjeu? Y aura-t-il à la fin du match une situation qui peut faire gonfler l’audience? La construction des tarifs et écrans est assez complexe et propre à chaque match» raconte Maxime André, directeur marketing de M6 Publicité. Chez France Télévisions, où l’on diffuse bien d’autres disciplines que le foot et le rugby, on met en avant le fait que la régie a créé fin 2022, des ciblages TV «pratiquants de sports» et «sports addicts» permettant aux marques captives d’optimiser leur médiaplanning. «Et, en TV segmentée, nous pouvons directement cibler les fans de rugby, les fans de Roland-Garros, les fans du Tour de France», ajoute Nathalie Dinis. « La TV segmentée offrira aussi la possibilité aux annonceurs régionaux de cibler de manière géographique et réduira le ticket d’entrée TV de cette compétition » complète Maxime André.

Rugby World Cup 2023 : la France favorite à la maison

Pour la finale du 28 octobre, en cas de présence de la France, TF1 voit toujours plus haut, forte de ses dernières expériences. Il faudra débourser 350 000 € les 30 sec. si les Bleus sont de la partie. Pour le parrainage c’est bouclé depuis longtemps. « Le rugby est un des sports où les annonceurs sont les plus fidèles, engagés depuis des décennies (GMF, Société Générale…). Dans les heures qui ont suivi la publication des offres le 25 janvier, les annonceurs présents auprès du XV de France ou comme grands partenaires de la World Cup ont immédiatement acheté les dispositifs de parrainage» nous confie Stéphane Devergies. Les partenaires de l’événement sont prioritaires sur ces offres. Certains ont même l’exclusivité sectorielle (auto, banques, carte bancaire…), c’est-à-dire que si Land Rover n’avait pas acheté le partenariat sur TF1, ni Renault, partenaire de la FFR, ni aucune autre marque auto n’aurait pu le faire.
TF1 Pub a profité de cet engouement pour tester le système des enchères sur un nouvel emplacement, le Golden Auction Spot. «Placé entre la fin du haka et le coup d’envoi de France-Nouvelle Zélande, c’est un spot exclusif de 70 secondes, acheté par un annonceur agro-alimentaire qui présentera un spot spécialement créé pour l’événement. Ce n’est pas un écran, c’est un écrin », assure le directeur commercial. Mais l’enchère reste une exception. La quasi-totalité des espaces seront vendus sous forme de packages garantis et en achat classique à l’unité, sur TF1, M6 et France Télévisions, qui se partageront les retransmissions. «Le package est intéressant pour créer un effet de vague. L’achat au match, c’est pour faire des coups et être puissant », précise Pascal Crifo chez Publicis. «La prévision d’audience n’est pas très difficile à réaliser car nous avons beaucoup de benchmarks d’audiences avec ou sans les Bleus. Le mondial de rugby a déjà eu lieu en France». Chez M6, on considère que c’est un événement «considérable et très attractif»: «Nous voulions faire partie de la fête. Au-delà des matches eux-mêmes, nous proposons une long tail d’offres entre le sponsoring, le classique, la radio, le digital, les opérations spéciales… Notre objectif est de maximiser la vente de toutes ces offres», détaille Maxime André.

JO : tout le monde devant la cérémonie

Si le service public participera également à la fête de l’ovalie, il aura l’exclusivité d’un autre événement [6]considérable, encore plus rare… «L’intérêt des annonceurs pour Paris 2024 est très fort, avec une anticipation importante. Le partenariat avec Samsung a été activé dès J-500. Nous déclinons ensuite avec les autres partenaires à J-400, J-1 an, J-300… Puis tout ira crescendo», affirme Nathalie Dinis. La DGA de la régie relève notamment qu’«il y a de plus en plus d’appétence de la part des partenaires officiels des grands événements sportifs de s’associer aux diffuseurs, ce qui était moins le cas avant 2020. Cela leur permet de donner du sens à leur partenariat auprès du grand public et de fédérer leurs collaborateurs en interne, tout en travaillant leur attractivité auprès de leurs clients et prospects». Il reste tout de même une inconnue: le contexte économique et le fait que la première quinzaine d’août est traditionnellement la période publicitaire la plus creuse de l’année pour la TV. Pour les Jeux Paralympiques, programmés du 28 août au 8 septembre, la question se pose moins. Pascal Crifo estime que «la période est très favorable, ils seront très demandés par les annonceurs et il y aura de l’audience». «Pour les écrans des JO en journée début août, cela dépendra des tarifs, de l’offre et de la demande. Il y aura des coups à jouer», estime-t-il, ajoutant que «les agences essaieront de négocier un coût au GRP garanti». La fin de journée (19h-20h), le week-end et certaines disciplines comme l’athlétisme retiendront davantage l’attention des médiaplanneurs, mais une chose est certaine, il n’y aura pas d’écran publicitaire après 20h, et seuls les partenaires seront visibles en soirée. S’il est difficile de prévoir en 2023 comment sera l’état du marché TV pendant l’été 2024, il n’en est pas de même pour un autre média, la publicité extérieure. «Nous le voyons à travers l’inflation de l’affichage. Pour être présent dans Paris en 2024, il faut acheter en 2023, et là on passe du simple au double sur de nombreux dispositifs», constate le dirigeant de Blue 449.
Du côté des audiences TV, on est très confiant chez FranceTV Publicité: «Tout le monde va regarder les Jeux Olympiques. L’été est la période idéale». «Les prévisions d’audience des JO seront plus complexes à faire que celles du mondial du rugby», reconnait cependant Pascal Crifo. «On ne peut que se baser sur les JO de Londres.» En tout cas, il partage ce pronostic avec Nathalie Dinis: «La cérémonie d’ouverture peut faire énormément d’audience. Les Français seront curieux de voir comment on va accueillir le monde sur la Seine.»

Emmanuel Charonnat


Lire aussi :

tous nos articles sur les Sports [7]

. Quand le sport nourrit, porte et soutient la RSE [8] (juillet 2023)

. JO 2024 : Les recommandations de Publicis Sport [9] (juillet 2023)

. Paris 2024 : une fête attendue, une image en construction [10] (juillet 2023)

. Le magazine CB Expert sur le marketing sportif «En marche vers 2024» en accès libre [11] (juillet 2023)

. Les Français de plus en plus nombreux à juger le sponsoring utile au sport et aux entreprises [12] (juin 2023)

Les retombées positives des JO 2024 sur la France sont mieux perçues à l’étranger [13] (mai 2023)

Les Français, les JO de 2024 et les grands événements sportifs en France [14] (mai 2022)

Quelle image véhiculent les Jeux olympiques? [15] (avril 2021)

COM’ and START UP : le replay de la première édition

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Actualités,Marketing,Médias | Pas de commentaire

Quand la Tech rencontre la Pub… retrouvez les partages d’expériences de la conférence organisée par CB News et Heroiks, jeudi 13 avril, à la Station F

Le 13 avril matin, dans l’amphithéâtre de la Station F (Paris 13), s’est tenue la 1ère édition de la conférence de la conférence «COM’ and START UP» co-organisée par CB News et le groupe Heroiks, en partenariat avec M6 Publicité, Toluna Harris Interactive, et avec le soutien du Club des Annonceurs.
Les échanges ont été passionnants et une dizaine de start-up et licornes, ayant accéléré leur croissance grâce à la com’, ont témoigné de leurs expériences publicitaires et du travail sur leur marque. Retrouvez ici [16] le programme détaillé et les noms des intervenants.

Visionnez le replay de la conférence sur la chaîne YouTube de CB News en cliquant ici [17] ou sur l’image ci-dessous. Sur la chaîne de CB News [18], vous trouverez aussi les différentes séquences de la matinée et les interviews post-event.


Lire aussi :

Les Français ne se sentent pas suffisamment informés sur ce que proposent les start-up [19] (étude présentée à la conférence)

Notoriété : les start-up découvrent la TV… et elles aiment ça ! [20] (article publié dans le CB News d’avril en lien avec la conférence)

COM’ and START UP, le 13 avril à la Station F: le programme complet [16] (mars 2023)

. Adforecast#6, Vers l’Intelligence Média : le replay de la conférence [21] (octobre 2022)

La baisse de la durée d’écoute TV a concerné toutes les cibles en 2022

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Médias | Pas de commentaire
Les chaînes gagnantes de 2022 sont toutes les chaînes d'infos, le service public et plusieurs chaînes de la TNT (RMC Story, C8...)
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Télévision : la fracture entre les générations s’agrandit

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Médias | Pas de commentaire
Alors que le vieillissement du public de la télévision s'accélère, CNews, France 2 et TF1 font partie des chaînes gagnantes de 2021
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Fusion TF1/M6 : «Une alternative forte à Google et Facebook»

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Actualités,Marketing,Médias | Pas de commentaire

Une interview de Bertrand Beaudichon, CEO, Initiative France (IPG Mediabrands), sur les enjeux de la fusion TF1/M6

 

CB Expert : Comment votre agence accueille-t-elle le projet de fusion entre TF1 et M6?

Bertrand Beaudichon : En tant qu’agence média alternative, dont le modèle repose de moins en moins sur l’achat et de plus en plus sur la valeur ajoutée du conseil, nous voyons cela d’un très bon œil. Cela va dans le sens de notre positionnement. Nous avons massivement investi dans le planning stratégique depuis 3 ans. Contrairement au top 5 des agences en France (Dentsu, GroupM, Havas, OMG et Publicis, N.D.L.R.), nous ne participons pas aux appels d’offre très orientés sur l’achat. Non pas que nous soyons mal positionnés sur le prix mais parce que nous n’arriverons pas à valoriser notre valeur ajoutée en conseil stratégique et notre capacité, pour le compte d’un annonceur, à intégrer tous les métiers de la communication.

CB Expert : Cela va-t-il changer votre façon d’acheter les médias?

Bertrand Beaudichon : Cela va complètement dans le sens du marché. Nous avions déjà moyennement la main sur le digital, compte tenu du fait que 80 % de ce qu’on achète sont entre les mains de monopoles avec lesquels on ne discute pas ou très peu. C’est pour cela que notre groupe a investi dans sa propre base de données first-party (Acxiom), qui nous permet de ne pas devenir un bureau de ventes de Google ou de Facebook pour définir des cibles comportementales très fines et les adresser de façon granulaire. Sur le digital, le marché est déjà ultra-concentré, laissant peu de latitude sur le prix et la négociation. C’était déjà le cas historiquement pour l’affichage et à terme, ce sera aussi le cas pour la télévision et potentiellement la radio.

CB Expert : La fusion aura-t-elle d’autres conséquences?

Bertrand Beaudichon : La fusion devrait durcir le marché dans deux ans, mais, en attendant, on aura probablement le retour de la publicité en prime-time sur France Télévisions. Selon les cibles, cela représenterait entre 12 et 16% de l’audience qui s’ouvrent au marché. C’est une bonne chose pour nous, à des fins de planning. Cela permettra aux annonceurs de toucher des cibles très affinitaires en TV que l’on a du mal à toucher par ailleurs : les plus âgés et les plus CSP+. France TV sera alors le principal concurrent du mastodonte TF1+M6.

CB Expert : Mais n’y a-t-il pas un risque d’inflation pour les annonceurs?

[25]Bertrand Beaudichon : Cela leur donnera une capacité de négociation plus limitée. Mais, après tout, au point où on en est, l’important pour les annonceurs est qu’ils aient une alternative forte à Google et Facebook, produisant des contenus de qualité, avec les moyens nécessaires. Donc oui, ce ne sera pas bon pour leurs coûts au GRP, mais ce sera bon pour leur capacité de continuer à diversifier leurs points de contact et à communiquer dans des contextes de qualité, en touchant les cibles qu’ils veulent atteindre.
Nous prévoyons dans les années à venir, et dès l’année prochaine, une inflation forte, de l’ordre de +6 à +7% par an. Et il ne faut plus attendre d’une agence media qu’elle serve uniquement à diminuer les prix, ce que pensent encore certains annonceurs.
Ils doivent comprendre que toutes les expositions ne se valent pas. L’important, c’est l’efficacité, ce n’est pas le prix de l’exposition. C’est vers cela que notre métier doit évoluer aujourd’hui.

CB Expert : Pourquoi une inflation dès l’année prochaine?

Bertrand Beaudichon : Les régies de TF1 et de M6 n’auront pas le droit de se parler pendant 2 ans, mais on peut quand même imaginer qu’elles seront moins agressives l’une envers l’autre, et qu’elles seront moins généreuses quand on proposera une exclusivité à l’une ou à l’autre. Cela engendrera mécaniquement une inflation. Une inflation que l’on vit déjà d’ailleurs avec la reprise économique. Nous observons en effet une reprise de valeur assez importante, mais qui reste relative puisqu’on atteint à peine les niveaux de 2019.

CB Expert : Qu’apportera cette puissance TF1+M6 au marché?

Bertrand Beaudichon : Cela va leur donner plus de force et de dynamisme dans leur capacité de production. En faisant des économies d’échelle, ils produiront des programmes plus diversifiés. Si on ne veut pas que la TV disparaisse, c’est de cela que nous avons besoin. Pour résister aux plateformes américaines, les chaînes doivent avoir les moyens de continuer à produire ou acheter des contenus et des droits de grande qualité. Sinon, pourquoi les jeunes regarderaient- ils la télé plutôt que Netflix, Amazon ou YouTube ? Quand on observe la TV hertzienne, le marché semble concentré avec TF1+M6, mais quand on regarde l’ensemble des médias, TF1 et M6 ensemble peuvent à peiner lutter contre un seul des grands acteurs digitaux. Un autre avantage sera que les groupes TF1 et M6 ne chercheront plus à se concurrencer sur les mêmes centres d’intérêt, les mêmes tranches horaires. Le médiaplanning est devenu comportemental, basé sur des centres d’intérêt. Plus on aura des chaînes complémentaires, capables de couvrir des centres d’intérêt différents (cuisine, sports…), plus nous pourrons optimiser nos campagnes sur des cibles comportementales plutôt que sur des cibles sociodémographiques.
Par ailleurs, sur le sport, TF1 et M6 pourront répondre ensemble à des appels d’offre, ce qui pourrait élargir l’offre sportive dans l’univers de la TV gratuite, accessible aux annonceurs.

CB Expert : Et quid des offres digitales de TF1 et M6?

Bertrand Beaudichon : En les réunissant, cela représenterait une offre diversifiée de contenus avec des segments d’audience suffisamment puissants pour pouvoir être une vraie alternative aux grandes plateformes digitales. Et cela développerait les possibilités de suivre des centres d’intérêt, et non seulement ceux de TF1 ou de M6.

CB Expert : La fusion aura-t-elle des conséquences sur le médiaplanning radio?

Bertrand Beaudichon : C’est une grande inconnue : sera-t-il possible de concentrer au même endroit la commercialisation des Indépendants (dont TF1 Pub assure actuellement la régie, N.D.L.R.) et des stations du groupe M6. Avec cette possible concentration, nous rencontrerons à peu près les mêmes difficultés qu’en TV pour optimiser les coûts. Mais la radio étant un média de puissance, nous aurons besoin que celle-ci soit garantie. En effet les niveaux de couverture de la radio sont en baisse car c’est un média qui vieillit avec son audience.
Donc oui, cela risque d’augmenter le prix d’une campagne radio mais cela garantira le niveau de couverture et de puissance de ce média très effi- cace en termes de trafic et d’impact business.

Bertrand Beaudichon est CEO d’Initiative France (IPG Mediabrands)

 

Propos recueillis par Emmanuel Charonnat


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Fusion TF1/M6 : «Pour un audiovisuel plus attractif»

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Actualités,Marketing,Médias | Pas de commentaire

Une interview de Magali Delmas, DG du groupe Heroïks, en charge du trading offline et vidéo, sur les enjeux de la fusion TF1/M6

 

CB Expert : Comment avez-vous accueilli l’annonce du projet de fusion entre TF1 et M6?

Magalie Delmas : C’est une annonce à double tranchant. Mais nous l’accueillons plutôt positivement car nous en avons tous besoin, dans le PAF, pour soutenir l’attractivité du média TV et globalement de l’audiovisuel. Nous avons cependant un peu d’appréhension quant à une possible inflation de la TV, car nous avons beaucoup d’annonceurs avec des problématiques ROistes (e-commerçants, pure players)… Ils utilisent la T V comme ils utilisent le digital. Plus le CPM (coût pour mille) sera élevé, plus le CPV (coût par visite) le sera aussi. Si demain la TV n’est plus aussi rentable, ils réduiront leurs investissements.
Cependant je pense que cette inflation sera modérée, car je ne vois pas TF1 et M6 mettre en péril l’attractivité du média. Leur objectif sera de maintenir cette dernière face aux grandes plateformes digitales. Ils proposeront peut- être de nouvelles façons d’acheter. Quand on pèse 50 à 70% du marché T V, on peut facilement imposer de nouvelles normes, de nouveaux standards, de nouveaux modes d’achats : modes programmatiques, univers Global TV/ vidéo, achat du replay en CPM par exemple.

CB Expert : Pourquoi cette fusion rendrait-elle l’audiovisuel plus attirant pour les annonceurs?

Magalie Delmas : Depuis quelques années, certains contenus TV sont moins attractifs et cela peut devenir problématique. De plus, les téléspectateurs d’aujourd’hui viennent chercher un contenu, plutôt qu’un rendez-vous. Si demain on se retrouve avec des meilleurs programmes, avec des budgets permettant de construire une fantastique plateforme de replay réunissant les contenus de TF1 et M6, la TV sera plus attractive pour tout le monde, spectateurs et annonceurs. D’autant plus que TF1 et M6 sont bien placés en termes de brand safety, que ce soit en linéaire ou en non linéaire. Quand on diffuse des spots sur MyTF1 ou sur 6Play, on a une vitrine d’exposition que l’on ne retrouve pas ailleurs.

CB Expert : Commercialement, que pourraient-ils faire?

Magalie Delmas : Je les vois bien briser la barrière entre le replay et la TV linéaire, créer des plateformes où l’on achète en CPM global. La TV est le média le moins cher du marché. Si on compare le CPM de la TV linéaire avec celui de la VOL (vidéo en ligne), la TV reste ultra-efficace. D’ailleurs, les études d’Ekimetrics confirment que le ROI de la TV est largement devant celui des autres médias. Sur la rentabilité, ils ont de la marge par rapport aux plateformes (Facebook, YouTube). Mais, encore une fois, il faut que l’attractivité soit au rendez-vous.

CB Expert : Quel regard portez-vous sur le retour de la publicité de France TV en Prime-Time?

[34]Magalie Delmas : Cela rassurerait les annonceurs, en recréant une concurrence, une compétitivité du marché. Le duopole TF1/M6 passera plus facilement. Cela rebattra les cartes et France TV retrouvera tout son attrait. Avec le prime et le night-time des chaînes publiques, nous pourrons mieux toucher les petits consommateurs TV, les cibles CSP+ et les cibles qui regardent potentiellement moins TF1 et M6 – ces deux chaînes ayant d’ailleurs des profils de téléspectateurs assez semblables. Nous atteindrons aussi des audiences différentes de celles que l’on rencontre sur France TV dans la journée, où le profil est plus âgé.
Et cela permettrait de faire face à la forte demande actuelle, dans un contexte où la durée d’écoute TV n’ira pas en augmentant.

CB Expert : Et quelles seront les conséquences pour les autres régies TV?

Magalie Delmas : Je m’inquiète davantage pour les « petites » régies. Si un annonceur dispose d’un budget d’un million d’euros, aujourd’hui il peut faire une exclusivité TF1 Pub ou M6 Publicité, et compléter son plan avec nombre de petites chaînes de la TNT et du câble.
Demain, avec un million d’euros, est-ce qu’il ne sera pas tenté de tout mettre sur TF1 et M6 ? Bien sûr cela dépendra de ce que deviendront les chaînes TNT que TF1 et M6 devront vendre. Mais si demain, il y a une inflation TV de +10 à +15 %, les petits et moyens annonceurs devront encore plus concentrer leurs investissements, et cela favorisera forcément les plus gros acteurs.

CB Expert : N’y a-t-il pas un risque de réduction de votre valeur ajoutée vis-à-vis des annonceurs ?

Magalie Delmas : Au contraire, notre valeur de conseil va être de plus en plus importante. Il ne faut pas résumer la valeur de l’agence média à l’achat sur la TV linéaire. Les questionnements sont nombreux : va-t-on communiquer en TV adressée? sur le replay? sur la VOL? comment orchestre-t-on ces canaux? avec quels budgets? en mode programmatique ou non? Le rôle de conseil de l’agence sera primordial sur ces sujets, sur l’orchestration qui permettra de toucher au bon moment, au bon prix, les bonnes personnes.
Notre façon d’acheter la TV doit évoluer et intégrer totalement le digital, pour rendre les choses plus faciles et logiques. Aujourd’hui, quand les chaînes T V linéaires sont trop encombrées, mais qu’il y a de la place sur le replay, c’est compliqué, il faut faire deux négociations. Si demain, on a une vision globale, avec une négociation globale et probablement une plateforme programmatique, on passera plus facilement de l’un à l’autre en fonction de là où est l’audience.

Magalie Delmas est DG du groupe Heroïks, en charge du trading offline et vidéo 

[35]

Propos recueillis par Emmanuel Charonnat


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Audience TV : les chaînes d’info sont les grandes gagnantes de 2020

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Médias | Pas de commentaire
Sur l'ensemble des 15 ans et plus, la durée d'écoute moyenne par individu a augmenté de +12% en 2020
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Les 2/3 des fictions françaises surperforment en prime-time

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Médias | Pas de commentaire
Sur les chaînes TV historiques, l'offre de fictions françaises en 1ère partie de soirée continue de progresser et atteint un nouveau record
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Dix ans après leur sortie en salles, plus de 80% des films français font encore l’objet d’une exploitation commerciale

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Médias | Pas de commentaire
Les investissements des chaînes TV dans la production de films français ont chuté de -22,5% en 2018 pour atteindre leur plus bas niveau de la dernière décennie
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Bilan TV 2018 : la consommation baisse et les chaînes TNT perdent du terrain

Publié Par Emmanuel Charonnat Sur Dans Marketing | Pas de commentaire
Pour la 1ère fois depuis le lancement de la TNT, les chaînes de la TNT perdent du terrain en faveur principalement de 4 chaînes historiques (TF1, France 2, France 3, Arte)
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