Cas Effie : La marque Jennyfer effectue un pivot et redonne vie à l’entreprise

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Etude de cas Effie France 2020 : la campagne «Don’t Call Me Jennyfer» – Jennyfer // Buzzman – Grand Prix et Prix Or catégorie Distribution

Objectifs : Remettre Jennyfer sur la carte mentale des adolescentes afin de recruter à nouveau des clientes

En 2018, Jennyfer n’était plus que l’ombre de la marque glorieuse des années 90. La perte d’acheteuses parmi sa cible historique, les 10-19 ans, est telle que sa part de marché en valeur s’est effondrée d’année en année, jusqu’à reléguer la marque à la 15ème place du segment prêt-à-porter femme. «Le paysage concurrentiel a explosé, la marque souffre d’une offre indifférenciée qui ne permet plus d’émerger, et d’une image ringarde qui décourage les ados», résume Sébastien Bismuth, qui a pris la présidence de Jennyfer cette année-là. «Pour recruter à nouveau des acheteuses, il nous fallait redonner une identité et une pertinence à Jennyfer, la rendre cool et désirable pour sa cible, mais sans pouvoir compter sur son offre, ni son passé, ni même son nom». Sébastien Bismuth expose alors la problématique à Georges Mohammed-Chérif, président et directeur de la création de Buzzman qui lui exprime ses doutes. «Il m’a regardé comme un médecin qui voit un grand malade et qui n’est pas sûr de pouvoir le sauver», se rappelle Sébastien Bismuth.
Plusieurs objectifs ambitieux sont cependant fixés : redorer l’image de Jennyfer, accroître sa notoriété chez les 10-24 ans, engager la cible, et tout cela pour recruter à nouveau des acheteuses, augmenter la fréquence d’achat ainsi que les parts de marché volume et valeur.


Moyens : Faire du nom de la marque le symbole du refus des déterminismes et des étiquettes

Nous avons fait une étude qui montrait que la marque était très mal en point. La moitié des clientes affirmaient avoir honte de mettre des vêtements Jennyfer, à tel point que certaines nous disaient qu’elles coupaient l’étiquette », raconte Georges Mohammed-Chérif, «ce qui nous a d’ailleurs donné l’idée d’utiliser le hashtag #zeroetiquette».
«Le nom Jennyfer renvoie une image ringarde. Quand on le porte, on est catalogué en termes de genre, d’époque, de catégorie sociale», poursuit-il. «Or la Génération Z, c’est exactement l’opposé. Elle n’accepte pas d’être assignée à une seule identité. La moitié des ados ne se définissent pas comme exclusivement hétérosexuels et n’achètent pas que des vêtements destinés à leur genre». De cette faiblesse, l’agence a décidé de faire une force: «À cette génération qui refuse toute assignation, nous avons parlé comme une marque qui refuse d’être réduite à son «prénom». Nous avons choisi de faire du nom de la marque le symbole du refus des déterminismes et des étiquettes. «Don’t Call Me Jennyfer» était née».
Une prise de risque importante car sémiologiquement, cela pouvait aussi annoncer la fin de la marque. «Le premier réflexe d’un marketer aurait été de dire «non, on ne touche pas à ma marque, on n’en dit pas de mal»», ajoute Georges Mohammed-Chérif, «mais Sébastien Bismuth a tout de suite compris que cette campagne n’allait pas changer l’image de sa boîte, mais qu’elle allait changer sa boîte». «J’ai tout de même tergiversé pendant quelques semaines», tempère le patron de Jennyfer, « et je peux confirmer qu’une bonne campagne, ça fait peur!».
L’idée directrice de la campagne a été de prendre le contre-pied des critiques adressées à Jennyfer, et s’affranchir des étiquettes de la marque (marque de «boloss», «racailles», «gamines»…) en même temps qu’elle invitait les clientes à se débarrasser des leurs.
La campagne a démarré avec une phase de teasing : 150 influenceurs ont publié des stories sur leur compte Instagram, pour partager l’étiquette qui leur collait à la peau en relayant le mot d’ordre #ZeroEtiquette, mais sans mentionner Jennyfer. Et, le lendemain, une quinzaine de vitrines Jennyfer ont été taguées avec des stéréotypes associés à la marque. «On a été jusqu’à s’auto-agresser», souligne Georges Mohammed-Chérif, «mais cela a généré des retombées favorables dans les titres de presse régionale». Puis, un film digital et une campagne d’affichage nationale ont pris le relais, mettant en scène des portraits de jeunes filles aux choix vestimentaires assumés et affirmés. Chacune d’elles était présentée avec son cliché barré ou raturé, pour s’affranchir de son étiquette et inviter les autres à faire de même.

Dans la continuité de la campagne, les boutiques, l’e-shop et les comptes sur les réseaux sociaux ont été renommés «Don’t Call Me Jennyfer». Les vitrines, sacs de shopping, tenues des vendeurs, ont été reliftés. Enfin une collection de vêtements «Zéro étiquette», reprenant les 6 clichés de la campagne, a été lancée. «On est arrivé à transformer la publicité en un produit. Et cela a fait un carton en magasin», se réjouit Sébastien Bismuth, «Pour un commerçant, c’est le rêve!». Il explique ainsi ce succès: «nous avons répondu à un besoin insatisfait non exprimé de la fille de 10-18 ans qui n’avait pas de marque dans laquelle elle se reconnaissait».


Résultats : Gagner sur tous les tableaux

«La notoriété de la marque est désormais plus haute que la moyenne du marché, atteignant 73% chez les 15-24 ans en juillet 2019 selon Kantar», précise Jean-Philippe Evrot, directeur de la marque «Don’t Call Me Jennyfer». Mission réussie également pour l’engagement social des jeunes filles, puisque Jennyfer a recruté 600 000 abonnées en un an sur Instagram, lui permettant d’entrer dans le top 3 des marques de prêt-à-porter français ayant plus d’un million d’abonnés. Et la chaîne YouTube de l’enseigne est devenue la deuxième chaîne la plus engageante de la plateforme en France, tous secteurs confondus, selon le score de vitalité mesuré par TubeReach.
Plus important encore, la campagne a remis Jennyfer sur le chemin de la croissance. Entre juillet 2018 et juillet 2019, d’après Kantar, le nombre d’acheteuses a augmenté de +10%, la fréquence d’achat de +9,5% et les parts de marché de +17% en volume et de +13% en valeur (base : 12 derniers mois). «La marque a gagné une place sur le très disputé marché du prêt-à-porter «femme 10-29 ans» et a réalisé l’exploit de devenir le leader du segment 10-19 ans», souligne Jean-Philippe Evrot. Enfin, s’il faut retenir un résultat, c’est probablement cette conclusion du président de Jennyfer: « Nous avons redonné vie à cette entreprise par elle-même, nous lui avons redonné une raison d’être».

Emmanuel Charonnat


Voir le film digital «Don’t Call Me Jennyfer»

Voir l’interview de Jennyfer et Buzzman par Charlotte Bricard (CB News):


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