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« Programmatique TV : le cas australien si proche de la France ? »

Une tribune d’Emmanuel Crego, Director of Programmatic Media and Technologies chez AOL France, suite à son intervention à la conférence Netineo «Le programmatique à la télévision #2» le 26 janvier dernier

 « Le succès du programmatique dans le digital, en France notamment, pose des questions sur la valeur ajoutée que pourraient apporter les technologies sur les autres médias.

L’écosystème programmatique vidéo (donc digital) est déjà bien établi en France. Depuis environ un an et demi, toutes les régies TV françaises proposent aux agences et annonceurs une partie de leur inventaire replay en programmatique, sur les différents devices (PC, mobile, tablette et via les box Internet, IPTV).

De plus le mode de consommation « multi-screen » explosant, les réflexions s’orientent assez naturellement vers la Télévision linéaire comme prochaine grande mutation possible.

Il y a des défis technologiques à relever, un cadre juridique à faire évoluer mais avant toute chose il est impératif de trouver un modèle économique qui propose un consensus pour chacun des acteurs concernés.

Ce sont les discussions que différents acteurs du marché sont en train d’avoir, ce n’est pas chose facile car il y a plusieurs axes de réflexion possibles.

La notion de « programmatique » implique notamment : automatisation du process achat/vente, enchères en temps réel, ciblage possible par foyer et donc possibilité d’adresser un message dissocié.

Pour le moment le cadre juridique en France interdit le ciblage par foyer, donc le message publicitaire doit être le même pour tous.  Il est interdit pour une chaîne nationale de dissocier son flux et donc sa publicité en fonction de critères de ciblage, géographique ou autres.

Quoi qu’il en soit, admettons que la Loi évolue demain et que cette contrainte n’existe plus, quelles sont les conséquences possibles ?

Probablement une remise en question profonde de certains référents de l’industrie :

. La logique voudrait que nous ne soyons plus sur un « GRP écran » qui est le standard aujourd’hui. 

Donc ne plus avoir pour standard la moyenne de l’audience de l’écran sur la cible socio-démographique concernée mais une audience au spot à spot. Certains programmes de grandes chaînes peuvent voir leur audience varier de +/- 20% selon que l’on est au milieu, en début ou en fin de l’écran publicitaire. Cette audience varie selon l’emplacement de l’écran autour du programme : avant/pendant/après mais également selon la durée de l’écran. En tant que téléspectateur, si vous savez que la coupure du programme peut durer 5 ou seulement 2 minutes, votre envie de zapper ne sera pas la même… Cela peut donc avoir un impact non négligeable sur le yield de la régie.

. Une probable standardisation des durées de spots ?

Un ciblage et donc une insertion en temps réel du spot vont sûrement pousser les régies à exiger davantage de standards en terme de durée de spot.

Donc, cela remettrait sûrement en cause la tarification des spots, basée aujourd’hui sur un format de 30’’ auquel on applique un indice selon la durée du spot de l’annonceur.

. Enfin, dans un cas où le ciblage et l’insertion du spot en temps réel est possible, il se pose la question de la maîtrise du reach : vais-je pouvoir toucher et délivrer sur ma cible en temps et en heure ? Quelles cibles seraient « livrables » ?

Cela exigerait donc d’avoir accès à un inventaire significatif pour maximiser les chances, d’où la démarche de certains acteurs aujourd’hui à vouloir fédérer l’ensemble des régies autour de ce projet. Cela implique aussi que les régies soient toutes favorables aux mêmes cibles…

Même s’il nous reste à trouver le bon modèle en France, chez AOL nous avons l’occasion de nous pencher sur certaines de ces questions puisque nous opérons depuis 2 ans la télévision de « manière » programmatique aux USA et depuis mai 2015 en Australie.

Le cas australien est très intéressant car la contrainte juridique est la même qu’en France, interdisant le ciblage et la personnalisation du message par foyer. 

Cela n’a pas empêché ce marché d’avancer vers une télévision optimisée automatiquement selon un ciblage plus fin.

[1]

MCN, régie TV leader, commercialisant plus de 75 chaînes, propose au marché d’acheter son inventaire selon des cibles comportementales, intentionnistes ou socio-démographiques et de manière totalement automatisée. Ce mode de commercialisation représentait déjà 5% de CA en 2015 après seulement 6 mois de lancement. Les prévisions pour 2016 sont autour de 15%.

Les données d’audience sont fournies par Multiview, joint-venture entre MCN et Foxtel, fournisseur de box, qui se base à date sur un panel de plus de 110 000 foyers.

[2]

 

Ce panel a pour vocation à s’élargir progressivement. Il est croisé avec des fournisseurs de données tierce, à terme des données annonceurs, et sont livrées tous les jours dans la plateforme d’AOL : One TV, qui réajuste automatiquement les plans selon les audiences.

 

[3]

Sur le même outil, l’acheteur a la possibilité de programmer sa campagne TV et également digitale, donc de suivre l’ensemble de son plan multi-screen.

L’automatisation complète rend possible la gestion de nombreuses données et l’optimisation qui en découle : plus de1500 cibles sont déjà disponibles en Australie, ce nombre va grandir dans les prochains mois.

Nb : le modèle australien n’est pas en RTB (enchères), les coûts sont négociés au préalable entre la régie et l’acheteur.

En France certaines initiatives de régies TV tentent de rendre possible l’optimisation sur des cibles marketing, autres que socio-démographiques.

Mais la faible récence des données, réservées à certaines industries, leur granularité limitée et la contrainte de la gestion manuelle rendent complexe son développement.

Ces initiatives sont bonnes à titre d’études mais rendent impossibles l’optimisation au quotidien de manière précise. Nous avons donc l’opportunité d’aller plus loin en rendant ce modèle « industrialisable ».

Le gain de productivité pour les acheteurs et vendeurs est essentiel, les technologies ont donc leur rôle à jouer si demain nous pouvons créer massivement de nouvelles cibles…

Je pense que s’inspirer du modèle de MCN peut en tout cas être une première étape réaliste et rapidement opérable avant que le contexte juridique évolue et rende le ciblage par foyer possible.

Il est cependant essentiel de trouver le juste équilibre entre les différentes parties prenantes et d’apporter une vraie valeur ajoutée, sûrement disruptive, à un marché déjà très organisé et optimisé. »

Emmanuel Crego

Director of Programmatic Media and Technologies chez AOL France

Chez AOL France, Emmanuel Crego dirige, depuis octobre 2014, le pôle média programmatique et le pôle Technologies, destinées aux agences et annonceurs (DSP, plateforme d’attribution Convertro).

Précédemment, il a travaillé 12 ans en télévision dont 7 ans chez TF1 Publicité en tant que Directeur du Développement commercial.  

Lire aussi :

Le programmatique TV : Conférence Netineo #2 chez Canal+ le 26 janvier [4]

La télévision est-elle soluble dans le programmatique ? [5]

. « Je suis favorable au développement du programmatique sur le média TV [6] », interview CBExpert de Dominique Kirmann, directrice media Western Europe de Mondelēz

 

Accès au replay et aux slides des présentations de la Conférence Netineo  [7]« Le programmatique à la télévision 2 » [7] (y compris celle de AOL Platforms)